HISTOIRE DU BARRAGE A POUTRELLES SUR LA CISSE

Les images et informations contenues dans ce dossier nous ont aimablement été transmises par les Archives Départementales d'Indre-et-Loire et nous les en remercions. Dossier rédigé par le Service du Patrimoine Culturel du Conseil Général d'Indre-et-Loire en avril 2000.

Un peu d'histoire...

La désastreuse crue de la Loire de 1856, qui s'éleva jusqu'à la cote de 7 m 55, causa d'important dégâts. A la demande des maires de Vouvray et de Vernou, Napoléon III autorise le 5 novembre 1859, par décret d'utilité publique, la construction d'un "barrage à poutrelles sur la Cisse, à Vouvray, destiné à protéger la vallée contre les inondations de la Loire" et à l'irriguer.

Le coût de ces travaux est pris en charge par une association syndicale réunissant les propriétés des prairies riveraines, voulant se soustraire aux submersions causées par les crues du fleuve. Les plans du barrage avaient été dressés en 1857 et 1858 par Cormier, ingénieur en chef. Le barrage est situé à 150 mètres en amont du pont et se rattache aux levées de ce dernier par deux banquettes en terre. L'avant-projet dessiné en 1857 est retenu dans son principe, mais le Ministère indique plusieurs modifications à apporter. Il est décidé d'allonger les piles pour garantir leur résistance, et surtout de remplacer les feuillures recevant les poutrelles par des rainures ménagées sur les flancs, afin de rendre la mise en place des poutrelles plus sûre. De même, on prévoit de renforcer par des perrés les banquettes, qui avaient été prévues sans revêtement. Ces banquettes doivent servir de déversoir en cas de crue dépassant 4 mètres. Les plans définitifs présentent le plan et l'élévation de l'ouvrage, ainsi que des coupes et des détails d'exécution, comme les dessins des treuils servant à manoeuvrer les grandes poutrelles. Le devis estimatif complète ces données cotées, en indiquant en particulier la nature et l'aspect des matériaux.

Il s'agit d'un ouvrage important, fonctionnant dans les deux sens, c'est à dire empêchant les eaux de la Loire de remonter dans la Cisse en cas de forte crue, et d'autre part pouvant retenir celles de la Cisse, pour assurer un étiage suffisant en période de sécheresse.

Le devis indique qu'il est prévu de couler du béton "jusqu'à 5 mètres de profondeur sous l'étiage". Ces plans et devis correspondent en tous points au barrage réalisé, à l'exception de plusieurs modifications apportées à la fin du XIXe siècle, concernant notamment le rehaussement de l'ouvrage, après de fortes crues.

Les travaux sont adjugés en décembre 1859 à l'entrepreneur Audebert, de Tours, qui ouvre le chantier en juillet 1860. L'ouvrage est terminé à la fin de l'année, en dépit des pluies continuelles et de crues. Son règlement est rédigé en 1866.


Le barrage, d'une largeur de 49 mètres, comporte 6 piles rectangulaires de 1 m 50 de largeur, présentant des "musoirs" en demi-cylindre. Elles sont séparées par des "pertuis" ou passages de 2 m 50, sauf pour le pertuis de navigation proche de la rive droite, qui est distant de 5 m 20.


 

Les petites poutrelles ont une longueur de 2 m 80, et les grandes, plus épaisses vers leur milieu pour offrir davantage de résistance, ont une longueur de 5 m 50.

Les flancs des piles sont creusés de rainures verticales, alignées dans l'axe de l'ouvrage, qui reçoivent des poutrelles se superposant. Les grandes poutrelles sont manoeuvrées par des treuils mécaniques à cliquet fixés sur la passerelle courant au-dessus des piles. Cette passerelle, dépourvue de garde-corps, est en platelage de madriers de chêne, essence également retenue pour les poutrelles. Elle est arasée à la cote de 52 m 50.

Sur l'extrémité droite du barrage, ou plus exactement sur la culée droite, s'élève le "magasin à poutrelles", simple construction couverte d'un toit à deux pans, dont la voûte intérieure est en maçonnerie de moellons bruts. Le barrage, dit "mobile" à cause de ses poutrelles amovibles, s'appuie sur deux culées formant plate-formes, prolongées par des banquettes ou digues dessinant approximativement un fer de lance arrondi.

Ces digues, d'une largeur de 1 m 50 à leur sommet, sont protégées par des perrés de moellons à "joints de hasard", c'est à dire sans pose sur lit. Elles relient l'ouvrage à la levée droite de la Loire. Les piles, les culées et le magasin aux poutrelles présentent des parements en "moellons bruts têtués" - dégrossis au marteau dit têtu - qui sont réglés en petit appareil.

Par contre, les rainures des piles sont construites en pierre de taille. Il s'agit bien sûr de pierre dure, provenant de la carrière de la rue Neuve à Vernou. Le mortier est de chaux hydraulique, et non de ciment. Les poutrelles sont peintes en vert olive, ainsi que la passerelle. Des "toiles d'étanchement", fixées par des oeillets sur les poutrelles, sont mentionnées en 1896 et en 1913.

Les réparations et le rehaussement de 1903

Dès l'achèvement de l'ouvrage, d'importantes crues l'endommagent, nécessitant des travaux de remise en état en 1866, 1879 et 1901, concernant surtout les digues, qui se fissurent sous la poussée des eaux. En 1892, la passerelle en chêne, en très mauvais état, est remplacée par des poutrelles en fer à profil en double T, recevant un platelage de madriers de chêne fixés par des boulons. Le premier pertuis, de la rive gauche, avait déjà reçu ce système auparavant. La largeur de la passerelle des petits pertuis, anciennement de 1 m 20, est portée à 1 m 60, comme celle du grand pertuis de navigation.

En mars 1895, une crue importante occasionne des dégâts à l'ouvrage, qui avait été fermé pour protéger la ligne de chemin de fer de Tours à Sargé. Afin que le barrage ne soit pas submergé, il est proposé de l'exhausser de 0 m 70. Le devis de remise en état comprend "le rechargement des digues, la restauration des perrés, le dressage, la peinture et le remplacement des poutrelles". Cet exhaussement n'est réalisé qu'en 1903, après de nombreux avis et consultations.

En février 1897, le projet est pourtant bien arrêté : rehaussement de 0 m 70, portant l'arasement à la cote de 53 m 20, concernant les maçonneries du barrage et des levées, la culée droite servant de plate-forme au magasin de remisage des poutrelles, étant surélevée à la cote de 53 m 94. Autorisé en 1900, ce plan prévoit en outre la pose d'une "passerelle métallique d'environ 1 m de largeur, établie sur le côté aval du barrage et dont le plancher reposant sur les maçonneries par des supports également en métal" prolongera à "la cote de 53 m 94 la plate-forme du magasin à poutrelles". Cette passerelle est garantie par un garde-corps côté amont. Le magasin aux poutrelles est reconstruit sur le même gabarit. Les toiles d'étanchement, devenues trop petites, sont complétées.

Les travaux exécutés les années suivantes relèvent de l'entretien courant. En 1913, un devis de réparation des digues du barrage retient la fourniture des bâches d'étanchement en "toile verte à chaîne double, en chanvre fort". Ce chanvre a pu être fourni par les cultures en aval de Langeais, aux alentours de Bréhémont et de la Chapelle-aux-Naux. Il est également prévu de remplacer les poutrelles et de repeindre la "tôle striée des plaques de treuils et d'ouvrages accessoires".

Parmi les travaux modifiant l'aspect ancien du barrage, il faut mentionner le goudronnage des digues en 1930 et la réfection, en 1933, de la digue gauche avec un revêtement en ciment armé.


Demande de protection

Ce barrage à poutrelles, en bon état de conservation (en 2000) et d'authenticité, est d'un type devenu rare.

Les dossiers d'archives, conservés dans leur totalité, documentent de manière précise sa construction et ses aménagements successifs, qui n'ont d'ailleurs pas altéré les dispositions originelles. Les nombreux plans d'ingénieurs ainsi que les devis de travaux sont une source précieuse pour mener une restauration scrupuleuse. L'intérêt de cet ouvrage d'art, qui est un élément important du patrimoine des Ponts-et-Chaussées, ainsi que la grande qualité de son environnement naturel, semblable à celui existant en 1860, justifient une demande de protection par classement au titre des Monuments Historiques. Cette protection permettrait de préserver le monument et son site, et de réaliser des travaux urgents de couverture et de clôture sur le magasin aux poutrelles. Les travaux de restauration à prévoir par la suite sont très limités : pose d'un platelage en madriers sur la passerelle et peinture de celle-ci en vert olive, coulis de chaux hydraulique dans la fissure de la culée avec pose d'un témoin pour surveiller celle-ci, rejointoiement des deux escaliers desservant le magasin à poutrelles. La restitution des treuils manuels à cliquet sur le grand pertuis serait souhaitable, grâce aux plans de 1859 en indiquant les dispositions.


 

 

 

 

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